Source de l'image : Mairie de Holtzheim
7.François Joseph Heitz(64)
o 1768 / + 1847
Mon enquête généalogique débute avec François Joseph Heitz(64), mon ancêtre direct. Il est né à Holtzheim, tout comme ses ancêtres depuis 5 générations avant lui. C'est un petit village agricole, posé sur les rives de la Bruche, à la limite méridionale du Kochersberg. C'est une terre riche et fertile, on y cultive le froment, l’orge, le seigle, l’épeautre etc. Selon la légende, c'est en voyant cette terre depuis le col de Saverne, que Louis XIV, le Roi Soleil, se serait écrié "Quel beau jardin!".
François Joseph a probablement été baptisé le jour même de sa naissance, le 16 mars 1768. Le baptême a été célébré par Jean Antoine Kupfferschmid, curé de Holtzheim et de Lingolsheim, dans l'ancienne église catholique, située à l'époque à l'écart du village, sur la rive opposée de la Bruche. L'église, menaçant ruine, a été abandonnée quelques années plus tard, au profit d'un nouveau lieu de culte érigé cette fois-ci au milieu du village. Bien que rédigé en latin, il est à noter que le curé Kupfferschmid est un des rares officiants à rédiger des actes plus ou moins lisibles et compréhensibles.
Autour du berceau se pressent par ordre d'apparition, le père, Jean Jacques Heitz(128), 26 ans cultivateur* de son état, puis la mère, Marie Eve Klein(129) âgée de 29 ans. Sur l'acte de baptême sont nommés ensuite le parrain, François Klein, agriculteur, et la marraine, Barbara Cuntz épouse de Jean Jacques Rey, tous demeurant à Holtzheim. Il est précisé que la marraine ne sachant pas écrire, a apposée sa marque.
Mais la mère de l'enfant, Marie Ève Klein(129), est absente. Car après un accouchement, une mère est considérée comme impure par l'Église catholique. Il faut qu'elle attende la cérémonie des relevailles, en général quarante jours après la naissance. Pendant toute cette période, elle ne peut ni sortir de chez elle ni assister aux offices religieux.
L'Alsace est rattachée à la France depuis plus d'un siècle, François Joseph est donc né sous le règne de Louis XV.
Les ancêtres de François Joseph Heitz
Nom du père | Nom de la mère | Observations |
---|---|---|
(128)Jean Jacques Heitz, agriculteur né le 26 mai 1742 |
(129)Marie Eve Klein | |
(256)Martin Heitz né le 24/05/1715, décédé le 5/02/1804 |
(257)Marie Heitz Originaire de Kirchheim ? |
Mariés le 16/05/1741 |
(512)Jean Heitz | (513)Schuster Catherine | Mariés le 2/07/1702 à Holtzheim |
(1024)Martin Heitz | (1025)Catherine Velten | |
(2048)Jacob Heitz | (2049)Marie Specht |
La fratrie de François Joseph. Il est le troisième enfants, et le deuxième garçon, d'une fratrie de dix enfants, six garçons et cinq filles. Son frère aîné, Antoine, né en 1765, serait décédé deux mois après sa naissance.
- Antoine né le 15 juin 1765.
- Anne née le 5 juillet 1766.
- François Joseph mon aïeul, né le 16 mars 1768.
- Jean, le 14 janvier 1770.
- Catherine née le 20 octobre 1771.
- Marguerite, née le 7 mars 1773.
- François Richard, né le 15 mars 1775. Marié le 6 juin 1803 à Holtzheim avec Catherine Mandel. 2 enfants, Thérèse et Anne. François décède le 8 décembre 1845 à Holtzheim.
- Anne, née le 5 octobre 1777.
- Une deuxième Anne ? née le 5 avril 1779.
- Félix, né le 14 janvier 1782. Décédé le 11 septembre 1851. Marié avec Marguerite MATHIS.
Des pages blanches
Entre la date de naissance de François Joseph en 1768 et son mariage à Crastatt en 1795, 27 ans ont passé. De ces années-là, je ne sait rien, ce sont des pages blanches du livre de sa vie. Pendant sa jeunesse, il a dû travailler comme ses frères et sœurs à l'exploitation de la ferme familiale, semer, labourer, retourner la terre, conduire les porcs à la glandée, etc.
Je n'ai trouvé aucune trace dans les registres militaires de contrôles de troupes de l'Ancien Régime. Il a 21 ans, quand éclate la Révolution française.
En cette deuxième moitié du XVIIIè siècle, le temps est chaotique. Tout comme les hivers précédents, l'hiver 1768 est glacial. La Bruche est en partie gelée. Et pour ne rien arranger, depuis quelques années les récoltes ne sont pas à la hauteur des espérances et la disette se répand dans les familles paysannes.
Au matin du 12 juin 1783, toute la famille était déjà debout, bien plus tôt que d'habitude. Un épais brouillard couvrait l'horizon, que le soleil avait beaucoup de peine à percer. Une sensation des plus étranges avait saisi les villageois, et pour cause, l'air sentait le soufre. Les jours suivants, le temps s'était mis au beau et au sec, malgré une opacité des plus extraordinaire du ciel. Celui-ci paraissait aussi chaque jour obscurci par un rouge sombre et de couleur de sang.
L'inquiétude se répandait dans les esprits et les bruits de peste et de famine commençaient à se répandre de village en village. Un fort vent, très froid, souffla de Sud du 18 au 24 juin. Puis il tourna et souffla du Nord, Nord-Ouest jusqu'à la fin du mois.
Ce que les villageois ignoraient, c'est qu'au matin du 8 juin 1783, le volcan islandais Laki, à 2500 km de là, entrait en éruption. La terre venait de se déchirer sur une longueur de 25 kilomètres et 130 cratères vomissaient plus de 10 km3 de lave. Sans compter les gaz toxiques, en particulier de l'acide fluorhydrique et du dioxyde sulfurique. Le nuage qu'il cracha jusqu'en octobre allait bouleverser gravement l'Europe pendant plusieurs mois, si ce n'est des années.
Dès le mois d'octobre, la fraîcheur gagne la région. En décembre, c'est une véritable vague de froid qui envahit toute l'Europe. La neige et la glace s'accumulent avec des températures jusqu'à -20°. Ce temps va perdurer jusqu'au mois d'avril 1784 avec de fortes gelées. Au premier redoux, des inondations catastrophiques se produisent. La moitié nord de la France est très touchée. La mortalité augmente de manière sensible.
Ces conditions climatiques, qui se répèteront encore les années suivantes, provoquent des crises de subsistances et économiques à répétition, jetant de nombreux paysans dans la pauvreté.
Entre-temps en France, Louis XVI monte sur le trône, et en 1789 c'est la Révolution qui secoue les villes comme les campagnes françaises. En septembre 1792 la monarchie est abolie, et Louis XVI est guillotiné en janvier 1793. Suivent les années de Terreur. En Alsace, c'est Euloge Schneider, accusateur public au tribunal révolutionnaire de Strasbourg, qui sème la terreur avec sa guillotine qu'il promène de ville en village.
Mais ce n'est qu'en 1795 que le nom de François Joseph Heitz réapparaît dans le registre des mariages du village de Crastatt. Quelles sont les raisons qui l'ont poussé à partir si loin de son village natal ? Quand est-il parti pour Crastatt ? Un lien de parenté avec une famille déjà établie dans le secteur de Wasselonne ? Ou voulait-il se faire oublier pour une raison ou une autre ? Autant de questions qui n'auront sans doute jamais de réponses.
En parcourant les bms du registre paroissial de Crastatt, une piste c'est peut-être dessinée :
Le 6 juin 1770, est baptisée Maria, fille de Jacob Schönagel et de Maria Voltz. La marraine se nomme Dorothé Heis(Heitz?), elle est la fille de Michaelis Heis civis(citoyen) et mercenarius(journalier) de Crastatt et de Anna Bentz. Michaelis Heiss est décédé vers 1789. Anna Bentz est décédée le 9 novembre 1790, âgée d'environ 74 ans.
Quelques années auparavent, entre 1773 et 1790, sont nés six enfants dont les parents se nomment Jean Halftermeyer et Dorothé Heiss.
Le 29 mai 1777 se sont des triplés qui naissent dans une autre branche de la famille Halftermeyer. Un garçon et deux filles. Jean, Anne et Dorothé. Heiss Dorothé est la marraine de Dorothé.
Dorothé Heiss décède le 10 janvier 1809 entre 12 heures et une heure de l'après midi, âgée de 70 ans environ. D'après son acte de décès, elle serait née vers 1738 à Crastatt. Un lien de parenté reliait-il les Heitz de Holtzheim avec ceux de Crastatt ?
Marie Madeleine Dossmann (65)
o 1770 / + 1829
Après un hiver long et froid, c'est la pluie qui prend le relais. Une fois de plus, les récoltes de cette année 1770 sont mauvaises et la disette sévit.
Le 20 mai 1770 naît à Crastatt Marie Madeleine Dossmann(65). Elle est la fille d'Antoine Dossmann(130) et de Barbe Wintz(131).
(Voir familles Dossmann-Wintz).
Le 9 février 1790, alors que la Révolution française bat son plein, Marie-Madeleine épouse Florent Uhring. Deux enfants sont issus du mariage ; Anne Marie, baptisée le 9 août 1791, et Marie, baptisée le 22 juin 1792. Marie est décédée le jour même de sa naissance.
Pendant ce temps, la Révolution poursuit son chemin. Elle suscite beaucoup d'espoir dans une majorité d'esprit. Puis vient le temps du doute et de la déception pour beaucoup, et enfin celui de la Terreur pour tous.
En décembre 1793, l'armée des émigrés de Condé et les troupes autrichiennes sont défaites par les républicains lors de la bataille de Berstheim, village situé entre Haguenau et Hochfelden. Voulant probablement rester fidèle à la monarchie, mais peut-être aussi par peur des représailles, Florent, Marie-Madeleine et leur fille Anne Marie fuient devant l'avancée des troupes révolutionnaires. Ils laissent tous leurs biens derrière eux, notamment 6 chevaux, qui deviendront dès lors des biens nationaux. Ils traversent le Rhin comme des milliers de personnes à la suite de l'armée des émigrés et des Autrichiens.
Ce qui leur est arrivé lors de cette fuite je l'ignore. D'après des sources personnelles, Marie Madeleine(65) revient seule, sans mari ni enfant, en 1794.
Le 30 juin 1795, 12 Messidor an 3 à Crastatt, Marie Madeleine épouse en seconde noces François Joseph Heitz(64). Sur l'acte de mariage et indiqué que Madeleine Dossmann et veuve de Florent Uhring. Il n'y a pas d'autres précisions quand au lieu et aux circonstances du décès de Florent Uhring ni de ce qu'il est advenu de leur fille Anne Marie. Le père du marié, Jean Jacques Heitz(128) de Holtzheim, est présent au mariage.
Les neufs enfants du couple
2- Catherine née le 25 décembre 1797, 5 nivôse an 6.
3- Marie Madeleine née le 29 décembre 1799, 8 nivôse an 8. Le 12 mars 1828 à Crastatt elle épouse Hartz Antoine né le 28 janvier 1799, 9 pluviôse an 7, à Crastatt, fils de Hartz Antoine et de Burkel Marie. Marie Madeleine est décédée le 14 juin 1852 à l’âge de 53 ans et son mari le 12 décembre 1870.
4- Florent né le 5 novembre 1801, 14 brumaire an 10. Le 1 février 1826 à Crastatt il se mari avec Guth Françoise née à Westhausen (aujourd’hui Westhouse-Marmoutier) le 19 janvier 1803, 29 nivôse an 11, fille de Guth Joseph et de Diss Marie, cultivateurs à Westhausen.
5- Salomé née le 29 février 1804, 9 ventôse an 12. Le 13 mai 1828 naissance de Thérèse Heitz fille de Salomé et de père inconnu. Le 31 décembre 1829 Jean Rebstock tisserand né le 24 juin 1801, 5 messidor an 4, à Westhausen fils de Florent Rebstock charpentier, et de Lehmann Madeleine, épouse Salomé Heitz. Jean Rebstock est veuf de Catherine Antoni décédée le 29 juin 1829 à Crastatt. Naissance de Jean Rebstock le 4 juillet 1838. Salomé est décédée le 7 septembre 1853 à l’âge de 49 ans et son mari le 14 mars 1863 à 62 ans.
6- François Antoine né le 22 février 1806 et décédé le 20 mars 1824 à l’âge de 18 ans, laboureur, non marié.
7- Brigitte née le 15 janvier 1808 et décédée le 19 janvier de la même année.
8- Xavier né le 9 mai 1809.
9- Thérèse née le 18 mai 1812 au n°41. Elle épouse le 17 mai 1836 Rebstock Florent né le 4 mars 1804, 13 ventôse an 12, à Westhausen fils de Rebstock Florent journalier décédé le 15 janvier 1830, et de Schmam Madeleine.
Entre 1795 et 1804 François Joseph(64) appelé le vieux, depuis la naissance de son fils Joseph(32), fait l'acquisition d'une ferme de belle taille qui existe encore de nos jours. Il faut croire que les affaires de mon ancêtre sont prospères, car dans les années qui suivent, il fait l'acquisition de plusieurs terres dans les villages alentours. Le 20 août 1814, il devient conseiller municipal de Crastatt, et en 1826 il est nommé Maire pour 5 ans par le Préfet du Bas-Rhin Jean Esmangart.
La ferme a été inventorier par les Monuments Historique et décrite ainsi:
Parties constituantes : cour ; grange; étable; cellier 3e quart 18e siècle; 1er quart 19e siècle. Année : 1756 ; 1804. Maître d’œuvre inconnu. Historique: Logis portant la date 1756 sur la porte du cellier. La porte charretière datée 1804, a été surélevée vers 1990. Porte piétonne moderne. Chambranle de la porte du logis remplacé. Alcôve supprimée. L'étable, parallèle au logis, a été agrandie à la fin du 19e siècle. Description : Important logis situé au fond d'une impasse, avec rez-de-chaussée en pierre (la moitié occupée par un cellier, porte en plein cintre) et étage en pan de bois. Coursière sur le gouttereau, au garde-corps remanié (balustres tournés remplacés par des croix de Saint-André). Auvents sur le pignon. Gros œuvre : grès ; moellon ; enduit ; bois ; pan de bois. Etages : 1 étage carré. Typologie : coursière en encorbellement. Etat: remanié.
En 1804 François Joseph fait construire un portail en pierre de taille, à l'entrée de sa ferme. Il est couvert par un petit toit avec sur le montant de gauche cette inscription en allemand : "Ce portail a été construit par Joseph Heitz en l'année du Christ 1804."
Durant leur vie, ils auront traversés sans trop d'encombres, tous les grands bouleversements politiques, économiques et sociaux de la France. D'abord la Révolution de 1789 avec la chute et l'exécution de Louis XVI. La Première République de 1792 à 1804, suivie de l'épopée napoléonienne du Premier Empire de 1804 à 1815. La tentative de rétablissement de la monarchie avec la Restauration entre 1815 et 1830 avec Louis XVIII puis Charles X, suivi de la Monarchie de Juillet de 1830 à 1848 avec Louis-Philippe.
Marie Madeleine décède le 28 mars 1829, à l'âge de 59 ans. Quand à François Joseph, il s'éteint le 5 juin 1847 âgé de 79 ans.
* Communauté villageoise et contrastes sociaux : laboureurs et manouvriers dans la campagne strasbourgeoise de la fin du XVIIe au début du XIXe siècle. Par Jean-Michel Boehler. Article complet à lire sur Persée.
0 Commentaires